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Le printemps n'est-il pas la meilleure saison de l'année? Ce soleil presque arrogant qui revient après l'hiver rugueux et inonde les routes de tout son éclat, le célèbre Springbreak de la jeunesse américaine qui pointe doucement le bout de son nez et promet des nuits d'orgie incommensurables, les bourdons qui essaient de pécho les femelles, les fleurs qui explosent telles un feu d'artifice colorant chaque prairie jusqu'à perte de vue, et surtout... Ce pollen omniprésent qui vous chatouille délicatement les narines en vagabondant gaiement dans l'air.

Non j'déconne, le pollen y'a pas pire au printemps. A croire que les éléments se rebellent alors que tout crie au havre de paix en polluant l'atmosphère de ces espèces de moutons cotonneux servant uniquement à la reproduction de ces fleurs qui d'ici quelques mois iront se terrer sous le sol. Au pire, des abrutis iront les arracher pour les offrir à leurs dulcinées qui oublieront peut-être de les mettre dans un vase. Tout ça pour ça. Tout ça pour...

- AAAAAAAAAAAAAAATCHOUM!

Oh Rage, tu nous fais une allergie?

- Mais ça va, merde, je ne vais pas m'étouffer avec un misérable grain!

Beugla t-il à sa mère qui se tenait droite comme un i face à lui, alors qu'elle venait de lui demander de laver ce grain de raisin avant de l'enfourner dans sa bouche, sous prétexte que « sait-on jamais avec tous les pesticides qu'ils y mettent! » Décidément Muddy avait un mal fou à supporter les élans probio de sa génitrice qui poursuivit ses récriminations:

- Très bien, fais à ta guise mais ne viens pas chouiner quand tu auras de terribles crampes d'estomac! Et puis... Cesse de parler aussi salement. Je n'aime pas ton mauvais langage.

Sa remarque fut reçue par un simple grognement. Rage s'enfonça un peu plus confortablement dans le canapé et s'arma de la zapette pour s'adonner à son activité préférée: switcher d'un programme à l'autre sans jamais rester plus de deux secondes sur une chaine. Totalement inutile et qui eut le don d'attirer le mauvais oeil de la maitresse des lieux qui, comme par réflexe, jeta un coup d'oeil à sa montre.

- T'es pas censé avoir cours là?

Le jeune homme releva à peine les yeux de l'écran. Ah si, effectivement, il était bien CENSÉ se trouver dans l'amphi B de l'université.

- Trop de pollen dehors. 'peux pas sortir. Répondit-il simplement juste avant d'apercevoir son père apparaitre au coin du salon. Subitement il se leva du canapé, avalant presque de travers son grain de raisin et laissant choir la télécommande qui se fracassa par terre. Voyez-vous, Rage Senior (non le père s'appelle pas Rage aussi, mais c'est histoire de le dénommer différemment c'est tout) n'était vraiment pas le genre de papa tendre qui encaisse facilement les bourdes de ses enfants. Il n'avait pas prêté 1 000$ à son fils pour qu'il passe son temps devant la télé au lieu d'étudier, et étant ancien militaire de surcroit, j'aime autant vous dire que les punitions pour pareils actes n'étaient pas légères. Rage esquissa un simple sourire ironique à sa mère et se dépêcha de prendre ses affaires de cours (à savoir son sac encore ouvert et à moitié vide) avant de détaler de la maison, sans que son père ait eu besoin de dire un seul mot. Direction la fac.



- On a pas idée de donner cours par ce soleil radieux! Franchement! pesta le jeune homme à voix haute alors qu'il marchait sur les vertes pelouses du campus, un joint fraichement roulé à la main, le menton levé au ciel en admirant les rares nuages qui passaient. Non, il ne voyait pas où il mettait les pieds, et oui, il allait pas tarder à se payer un arbre en pleine tronche. Ce qu'il ne voyait pas non plus c'est qu'au fil de sa marche, il semait derrière lui les quelques feuilles de cours qui se trouvaient dans son sac, toujours ouvert, et bien sûr, personne n'eut l'idée de génie de l'en avertir!

Son pas ralentissait petit à petit à mesure que son attention grandissait pour les nuages dans le ciel, et que l'herbe réussissait son ascension jusqu'au cerveau. Il frôla de peu un étudiant s'étant permis de lui griller la priorité qui passait donc en perpendiculaire de lui, mais ne le vit même pas, les yeux trop en l'air. Allez savoir ce qu'il se passait dans sa tête à ce moment là pour qu'il soit aussi captivé. Ses doigts se desserraient lentement d'autour du joint qui promettait une future chute dans la pelouse, alors que son esprit divaguait dangereusement en dehors de son corps. C'est pas limite si de la bave lui coulait au coin des lèvres tant il était stone. Rage s'était stoppé en plein milieu du chemin menant au premier bâtiment de la fac, à un mètre d'un énorme platane en dessous duquel un couple se bécotait gentiment mais plutôt bruyamment. Même les bruits de succion des lèvres ne parvint pas à réveiller l'oreille du jeune homme qui fermait à demi les yeux, toujours la tête en l'air. Triste spectacle d'un mec un peu trop high.

Et le spliff tomba. Les cendres touchèrent le mollet dénudé du jeune homme qui portait un espèce de baggy coupé sous les genoux. La brulure fut assez importante pour le faire sauter comme un cabri, il lâcha un juron en se secouant le pied, redescendant trop brutalement sur terre, puis s'accroupit afin de frotter sa peau qui rougissait à vue d'oeil. Il humecta ses doigts de salive pour apaiser la zone sensible et chercha des yeux son joint, paumé entre deux pissenlits.

« Hey, Rage ! Je crois que t'a oublié de fermer ton sac en partant. Tu devrais peut-être éviter le joint avant les cours, ça te fait perdre la tête. Et tu parles seul en plus. Non non, sérieusement, ça te fait vraiment perdre la boule ces trucs ! »

Qu'est-ce donc? Cette douce et mélodieuse voix qu'il entendait dans son dos? Ce timbre qui atteignait presque le même effet nirvanesque que l'acide qu'il consommait lors des plus belles soirées? Rage, toujours accroupi au sol, rejeta sa tête en arrière afin de poser son regard sur la divinité Callaghanienne qu'il avait reconnu. Certes, ainsi positionné il la voyait à l'envers, et ce fut en premier ses jambes qu'il pu admirer à loisir; des gambettes parfaitement galbées et des cuisses qu'il avait toujours rêvé d'écarter. Tenu ainsi il manqua de basculer en arrière et ce fut bien par dépit qu'il se releva, car il aurait pu passer l'après midi la tête entre les jambes de Mona.

Muddy posa ses yeux légèrement éclatés sur sa donzelle préférée en esquissant un fin sourire, sa main récupérant machinalement (comme si elle faisait partie d'une entité externe à son organisme et agissait de son propre chef) les feuilles qu'on lui tendait. Ca aurait très bien pu être le prospectus pour le dernier loto du village d'à côté qu'il l'aurait accepté avec tout autant d'honneur.

« Mais t'a raison sur le principe, avec un soleil pareil, qu'est-ce qu'on irait faire en cours ? »

Rage soupira longuement avant de répondre d'une voix légère et un peu absente, ignorant complètement ce à quoi elle faisait référence puisqu'il n'était lui-même pas conscient d'avoir dit sa dernière phrase.

- Je n'ai pas la moindre idée de ce dont tu me parles, mais le simple fait de te voir vient d'illuminer ma journée. Encore plus que le soleil! Monamonamonamonamour, tu es mon printemps. La plus belle de toute les fleurs!

Le joint qu'il s'était confectionné n'était pas spécialement très chargé, mais un rien lui suffisait à décoller lorsqu'il s'agissait de passer du bon temps auprès d'une jolie fille. Il marqua un petit temps d'arrêt avant d'ajouter, un ton plus grave.

- Dis, tu me laisserais défeuiller tes pétales?

Depuis que Rage connaissait Mona, il n'avait de cesse que d'engager des allusions sexuelles afin de la charmer. Aujourd'hui, il était particulièrement inspiré par la saison.