Pour la plupart des gens, les cours constituaient une routine. Pour moi, ils faisaient plutôt figure d’exception. Ce jour là j’étais pourtant resté plusieurs heures assis devant un type qui bavait sur la littérature de la deuxième partie du XVIIIème. J’aimais les livres, il fallait reconnaitre ça. J’avais un truc pour la littérature, ce n’était pas pour rien que j’avais choisit ça. Mais rester sans rien faire d’autre qu’écouter un type frustré par sa vie de merde, c’était pas pour moi. Les mains dans les poches, je quittai finalement le campus, me dirigeant vers la sortie d’un pas rapide. Dans les couloirs, des petits groupes étaient en train de discuter, riant comme des gamins de séries télé. Comment pouvaient-ils apprécier passer du temps dans cette foutue université. Avec leurs sourires de pubs pour dentifrice ils avaient l’air coincés dans leurs tenues de marques. A peine étais-je sorti de l’université que je sortis de ma poche arrière mon paquet de cigarette, en allumant une d’un geste mécanique. Le soleil printanier réchauffait l’air, agréablement tiède. Mon regard parcourut les élèves qui étaient présents, ne trouvant personne vers qui me diriger. La solitude ne me dérangeait en rien, mais je n’avais pas vu Mike depuis la veille, ce qui me semblait étrange. Je pris mon téléphone, où s’affichait nouvellement un message. « Ai un plan pour ce soir. 10 h chez moi. » J’eu un sourire, c’était tellement typique de lui. Je relevais la tête, les yeux un peu froncés pour voir malgré le soleil d’Avril.

J’allais partir le plus loin possible quand je reconnus une chevelure blonde. Novalee. J’aurais surement passé mon chemin si elle n’avait pas été en train de parler à quelqu’un. Je la fixai un instant, avec son sourire écœurant de perfection. Le type avec qui elle parlait était du même genre, sorti d’une série B américaine, avec son physique de parfait petit garçon. Je n’hésitai pas. J’écrasai mon mégot et me dirigeai vers les deux qui semblaient avoir une conversation passionnante. Monsieur parfait sembla légèrement mal à l’aise quand j’arrivai à leur hauteur. Je n’étais pas vraiment le genre de garçon considéré comme fréquentable, j’étais même plutôt le contraire. Peut-être croyait-il que j’allais le frapper parce que je m’ennuyais. Je n’eus qu’un pauvre regard pour lui avant de me tourner vers Novalee, passant sans complexe mon bras autour de son cou. « Tiens No, tu tombes bien, je te cherchais justement. » L’autre jeune homme devait se sentir soudainement en trop, ce qui était exactement mon but, puisqu’il parti avec un petit signe pour la jolie blonde, apparemment mal à l’aise. Presque trop facile. Je le regardais partir avant de me tourner vers la jeune femme, otant mon bras de son cou. « C’est qui ce type ? » Ma voix était presque possessive, prenant ces intonations protectrices que je ne connaissais qu’avec elle.

Bien que j’aime les cours, aujourd’hui j’aurais préférée ne pas en avoir. Passer deux heures de ma matinée à entendre mon professeur de publicité nous montrer comment vendre un produit, nous disant qu’il ne faut pas trop le faire voir sinon personne ne voudra l’acheter. Oui oui c’est ça mon vieux, moi tout ce que je veux c’est être en relation publique, ta foutue publicité de merde, je m’en fiche complètement ! C’était bien le seul cours que je ne pouvais pas endurer, et quand le professeur regarda sa montre, nous annonçant par la suite la fin du cours, je ne pu m’empêcher de laisser sortir un soupire de joie ! Petit soupire que le professeur âgé avait très bien remarquée, mais qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ? J’étais restée éveillée, c’est déjà un bon point, la majorité du monde, soit ils s’endorment, soit ils quittent en plein milieu du cours ! Je rangeai mes livres dans mon sac à dos pour enfin sortir de cette foutue classe trop ennuyante à mon goût. Dans les corridors, je me fis accrocher par un bon ami à moi. Vous savez le genre d’ami que vous appréciez, mais qui parle un peu trop à votre goût ! Et bien c’était le cas avec lui. Si ce n’était pas de son physique hallucinant, et de ses abdos d’enfer, je ne serais probablement pas encore là à lui parler. Et oui, j’ai une certaine fascination pour les abdos et ce depuis que je suis toute jeune. Carter pourrait en témoigner, je le forçais à les travailler à chaque semaine pour me faire plaisir ! Exigeante ? Vous êtes encore loin de la chose ! Bref, à peine quelques minutes après le début de notre conversation je savais déjà qu’il venait tout juste de s’acheter une nouvelle moto, qu’il se rendait à une fête ce soir, que je me devais ABSOLUMENT de venir essayer sa nouvelle moto, il voulait parler de sa moto ou bien il voulait que je l’essaie lui tout simplement ? C’est à ce moment là que mon très cher ancien ami Carter s’est pointé. Il avait le don d’arriver à des moments qui n’était pas les meilleurs. Le jeune homme en question en face de moi dévisagea Carter puis partie finalement en direction inverse. Mon regard se tourna immédiatement pour Carter qui me faisait part qu’il me recherchait.

« Tu m’as trouvée, t’as gagné ! Que me veux-tu ? » Comme si me chercher était un jeu, comme où est Charlie quoi ? Non, je ne suis certainement pas Charlie, moi me promener avec un chandail rayé rouge et une tuque, ce n’est pas mon style laissez-moi vous dire cela ! Carter et moi n’étions plus vraiment amis depuis un bon petit moment maintenant. La raison ? J’imagine que nous nous sommes tout simplement séparés, nous n’avions rien en commun et c’est là que tout a cessé de bien aller. Il a commencé la drogue, j’ai commencé à fréquenter plusieurs garçons et lui plusieurs filles. Jalousie, mensonge, petite guerre, c’était ce que nous étions vers la fin, et je n’ai jamais aimée ces comportements alors j’ai tout rompu avec lui. Est-ce que je m’ennuyais de lui et de nos moments passés ensemble ? À tout les jours. Il était mon meilleur ami, celui avec qui je parlais, celui avec qui je déconnais et celui qui peu importe ce que mon père pouvait bien dire ou faire, il restait à mes côtés en souriant et oubliant ce qu’il mentionnait. Mon père, dès qu’il rencontre un de mes amis garçons, il leur montre des photos d’une femme qui est en train d’accoucher. Romantique n’est-ce pas ! Même Carter y a eu le droit, mais je crois que mon père croyait qu’il était gai jusqu’à ce que je lui dise le contraire ! M’enfin, bref ! Il était là devant moi, me posant la question qui ne le regardait tout simplement pas. Qui était ce type ? De quoi se mêlait-il ? « Il est un gars que je me fais une fois de temps en temps ! Ça te va comme réponse ? » Il avait l’habitude de mon caractère. Quand on se mêle de quelque chose qui ne vous regarde pas, je monte sur mes gardes. Ce type qu’il venait de faire partir, il n’y avait absolument rien entre lui et moi, il aurait bien aimé par contre, mais ma vie amoureuse est beaucoup trop montagnes russes en ce moment pour que quoi que ce soit n’arrive. « Tu sais, quand tu me cherches tu peux m’envoyer un texto, j’aurais pu te rejoindre au lieu que tu ne fasses fuir ce mec ! » lui avais-je dit en lui montrant mon cellulaire devant les yeux. Peut-être avait-il oublié l’utilisation de ce dernier. Il servait tout simplement à envoyer un message rapide à une personne qui n’est pas nécessairement près de vous. Pour la première fois depuis un petit bout, je remarquais qu’il n’avait pas fumé durant les dernières minutes, c’était presque charmant ainsi ! L’odeur me répugnait de toute façon, et puis avec sa petite barbe de quelques jours, je n’avais pas à me demandé comment il faisait pour se faire autant de filles. Au nombre de filles facile que nous avons à l’université, il n’avait qu’à en choisir une au hasard et elle lui dirait facilement oui ! Tant qu’il ne touche pas à ma sœur, il était sain et sauf !

« Tu m’as trouvée, t’as gagné ! Que me veux-tu ? » Novalee et sa gentillesse légendaire. Pour le coup, je l’avais tout de même un peu cherché. C’était bien dommage, surtout que je n’avais strictement rien à lui dire de particulier. Je voulais juste interrompre sa conversation et faire partir le jeune homme, ce qui était réussit. « Ne dis pas ça avec ce ton ironique, te trouver était très difficile. Je sais pas si tu te rends compte de combien ce campus est immense. » Bien sur, je ne l’avais en réalité pas cherché, et le campus m’aurait sas doute semblé moins grand si j’y passais plus de temps, mais là n’était pas la question. J’évitais de répondre à sa question, tout simplement parce que je n’avais pas de réponse. Depuis quand n’avais-je pas de réponse aux questions de Novalee ? Un bout de temps déjà. Avant, elle n’avait pas besoin de poser la question pour que je lui donne la réponse. C’était un peu comme ma petite sœur, c’était la personne au monde qui me connaissait le mieux. Et petit à petit elle était devenue une inconnue avec sa queue de cheval parfaite et son uniforme de pom-pom girl. Avant il n’y avait que nous deux. Puis il y avait tous les garçons et filles qui avaient été avec l’un ou l’autre de nous. Il y avait eu de la jalousie, et même des mensonges, ce qui n’arrivait jamais avant. On avait fini par ne presque plus se parler, par se croiser sans se rencontrer, par s’apercevoir plutôt que de se voir. Et la vérité, c’était qu’elle me manquait bien plus que je n’aurais pu lui avouer, ou même me l’avouer. Je me disais que c’était juste comme ça, que la vie passe et les gens se séparent. Si on a rien à faire côte à côte, il est normal qu’on arrête de l’être à un moment. Pourtant elle continuait de me manquer.

« Il est un gars que je me fais une fois de temps en temps ! Ça te va comme réponse ? » Je lui lançai un regard. Non, ça ne m’allait pas comme réponse, elle le savait très bien. Peut-être que l’on était plus aussi proche qu’avant, mais je détestais savoir que de types se la « faisaient de temps en temps ». Elle le savait d’ailleurs très bien, c’était pour ça qu’elle me le disait. « Parle par comme ça Jolene. Et t’es beaucoup trop bien pour ce mec d’ailleurs. » L’utilisation de son premier prénom montrait clairement que je n’avais pas apprécié sa réponse. Je ne l’utilisais que quand j’étais très énervé ou que je m’inquiétais pour elle. Ici, c’était un peu un mélange des deux. Malgré tout ce qui c’était passé, je n’aurais pas hésité à frapper le type qui aurait parlé ainsi de Novalee, et ça aussi elle le savait. « Tu sais, quand tu me cherches tu peux m’envoyer un texto, j’aurais pu te rejoindre au lieu que tu ne fasses fuir ce mec ! » J’allais pouvoir reprendre un ton plus léger et mon légendaire sourire de mec sur de lui. Alors comme ça, elle n’avait pas envie que je le fasse fuir ? C’était d’autant plus plaisant alors qu’il soit parti dés que je sois arrivé. Non que je veuille faire du mal à la blondinette, mais l’agacer avait quelque chose d’étrangement amusant. Souvenir du bon vieux temps surement. « T’inquiète Barbie, il s’en remettra. Et puis les téléphones, c’est sympa, mais avec toutes ses nouvelles technologies on en oublie les vraies valeurs. » J’eus un soupire digne d’un petit papi qui parlait de sa jeunesse. La vérité était qu’envoyer un texto n’aurait rien eu de drôle. Je mis ma main dans ma poche arrière et entrait en contact justement avec mon portable, ainsi qu’avec mon briquet. Je me retenais de ne pas fumer parce qu’elle ne supportait pas ça, j’espérai au moins qu’elle noterait l’effort.

« Si t’étais plus souvent ici, tu saurais où je me tiens ! » Lui ? Venir à l’université. C’était tout simplement rare. Il avait toujours détesté l’école du plus loin que je pouvais me souvenir. Il essayait toujours de m’entraîner avec lui pour que je manque les cours et tout. J’aimais l’école, j’y étais bien et je voulais faire quelque chose de ma vie comparé à lui qui ne devait même pas savoir où il allait être dans deux ans. C’était quelque chose qui m’énervait chez lui maintenant. Plus jeune, il savait ce qu’il voulait faire, mais dès qu’il a commencé à se tenir avec des personnes un peu moins bien éduquées, il est devenu cet homme qui se foutait d’absolument tout, et quand je dis tout c’est ABSOLUMENT tout. Je crois bien qu’à un certain point il se foutait de moi, moi qui étais pourtant sa meilleure amie depuis le temps des couches ! Et puis, pour me trouver sur le campus c’était bien la chose la plus facile ! Si je n’étais pas dans le département des communications j’étais au complexe sportif pour mes entraînements de cheers. C’est ce qui me faisait comprendre, qu’il ne me cherchait pas réellement, il voulait juste venir me déranger pendant que je parlais à un mec. Chose qu’il semblait ne plus supporter depuis un bon moment maintenant. Allez savoir pourquoi, il y a un an il se foutait bien avec qui j’étais, qui pouvait bien me briser le cœur et maintenant un mec n’avait même plus le droit de venir me parler quand il était dans le coin. Il venait sans cesse les faire fuir et ainsi me garder pour lui seul. On peut dire que je suis blonde, mais je ne comprendrais jamais ce qui lui passe par la tête à ce fameux Carter. Je donnerais n’importe quoi pour réussir à le comprendre à nouveau. Lui et moi ne faisions qu’un auparavant, et maintenant je n’arrivais presque plus à savoir ce qu’il pensait, ce qu’il avait en tête. Heureusement, il avait toujours la même tête lorsqu’il préparait des mauvais coups, et ce depuis qu’il était tout petit. C’était facile à savoir.

« Ça te dérange ? C’est nouveau tout ça. T’as drogue ne fait plus effet ? Tu devrais en reprendre, tu commences à redevenir le bon vieux Carter que j’aimais ! » Je le disais sur un ton non seulement moqueur mais aussi sur un ton ironique. C’était vrai. Lorsqu’il parlait ainsi, il était la personne que j’avais toujours connue, mais la drogue, la cigarette venait tout gâcher. Je ne lui avais jamais demandé de choisir entre moi et ça, et j’aurais peut-être du, qui sait je n’aurais peut-être pas perdu mon meilleur ami, il m’aurait peut-être choisi parmi tout cela ! Cependant, mon père m’a appris à ne jamais regretter le passé et de vivre avec les erreurs que l’on a commises. Des fois je me disais que c’était toutes les discussions que mon père nous avait donné à Carter et moi sur la drogue qui lui avait donné envie d’en faire. Après tout, il est un mec, on lui dit ne fait pas ça et c’est la première chose qu’il a envie de faire. Moi ? J’avais beaucoup trop à perdre pour essayer. Ce n’était pas ma tasse de thé et je n’avais pas envie de prendre une substance illicites qui me mélangerait, me ferait sentir bizarre. Je n’ai pas besoin de quoi que ce soit pour m’amuser, et j’étais certaine que Carter n’en avait pas réellement besoin, du moins j’aurais espéré que cela soit vrai. Me rappelant sur la planète terre fut le petit surnom qu’il venait de me donner. Barbie. Que je détestais ce surnom, oui j’ai peut-être l’allure d’une poupée Barbie. Je suis blonde, bien foutue, mais quand même, je suis capable de plier mes genoux, je n’ai pas toujours le même fard à paupières sur les yeux et je ne suis pas faite de plastiques ! Pourtant, depuis que j’ai environ dix ans, il est le seul qui m’appelle ainsi. Foutue chanson de Aqua que je ne cessais de fredonner à longueur de journée. Cela m’apprendre à chanter devant la fenêtre de ma chambre qui donne tout droit sur celle de Carter. « Arrête de m’appeler Barbie ! Et c’est toi qui viens me parler de valeurs ? » Ce n’était pas méchant, c’était pour le taquiner. Avoir Carter me dire qu’on oubliait les valeurs de la vie à force d’utiliser toutes nos technologies était tout simplement hilarant ! C’était comme si un homme marié qui trompe sa femme vous dit que c’est mal de faire cela. T’es mal placé pour me dire quoi que ce soit ! Je le voyais mettre sa main dans sa poche arrière, je savais qu’il désirait s’allumer une cigarette, mais j’appréciais les efforts qu’il faisait pour ne pas fumer devant moi. C’était digne d’un parfait gentlemen, chose qu’il n’était absolument pas depuis quelques temps mais bon ! « Merci de me sauver les poumons et de ne pas fumer ! » lui avais-je dit en lui faisant mon beau sourire naïf. Vous savez, le petit sourire adorable auquel on ne peut absolument rien refuser ! Il m’avait mené très loin ce petit sourire, croyez-moi là-dessus !

Ce jeune blondinet, je le connaissais par cœur depuis que j’étais toute petite. Quand il avait faim il faisait semblant du contraire, il était incapable de siffler, il n’avait jamais été bon menteur, du moins jamais en ma présence. Carter il était, comme je le disais si bien plus petite, mon âme sœur, et ce n’était pas forcément que je voulais être avec lui, les âmes sœurs peuvent n’être tout simplement que des amis et c’était ce que Carter était pour moi. Il était le meilleur des amis que je ne pouvais imaginer. Pourtant, quand je le regardais aujourd’hui, il était complètement différent. J’étais différente et je le savais. Nous avions grandis, nos loisirs, ce qui nous amusaient et nous rendait heureux avait changé et nous nous étions perdus dans tout cela. Je m’ennuyais du jeune garçon qui me donnait rendez-vous en plein milieu de nos terrains pour se raconter notre journée, et ce malgré le fait que nous l’ayons passé ensemble. Je m’ennuyais de celui qui me prenait dans ses bras lorsque j’avais passé une mauvaise journée. Le passé on ne doit pas l’oublier, mais bien passer par-dessus. Il n’y a rien qu’on ne puisse faire aujourd’hui qui peut le changer. Je l’avais appris d’une façon assez directe cette leçon ! Pour une fois qu’elle ne venait pas de mon père. Il était là devant moi et ne répondais pas à mes commentaires, peut-être les sentaient-ils un peu menaçant, peut-être avait-il peur de se mettre les pieds dans les plats, je ne le savais tout simplement pas. Il y a environ quelques mois de cela, je ne serais pas restée plantée là à attendre qu’il me donne une réponse, je serais partie et je ne lui aurais même pas laissée le temps de m’approcher. Pourtant, aujourd’hui, plusieurs choses avaient changés. Il n’était plus le même, ça je ne l’avais pas oublié, mais il avait recommencé à me parler, pour de mauvaises raisons, mais c’était quand même un bon début ! J’osais espérer qu’un jour, qui sait, notre amitié reviendrait exactement comme elle était auparavant.

Je le taquinais, je lui disais que sa drogue ne faisait plus effet et lui, il restait calme, beaucoup plus que je ne l’aurais pensé. Il me disait que ce n’était pas nouveau qu’il redevenait le vieux Carter. Il devrait me dire les moments où j’ai pu revoir mon meilleur ami comme je le connaissais, car ces moments, ils étaient assez rares. « Peut-être pas nouveau, mais ça n’arrive pas souvent Carter ! » Ni méchant, ni pour le taquiner, mais un tant soit peu déçue. Déçue de lui, de moi, de tout ce qui avait bien pu arriver dans notre vie qui était beaucoup plus important que la relation que nous avions l’un envers l’autre. « Alors maintenant c’est ma faute à moi ? Je n’ai pas décidée à prendre de la drogue, je n’ai pas décidée d’être un parfait con comme tu l’as été, et que tu es encore. » J’étais celle qui avait arrêtée de le voir comme le bon vieux Carter ? Non, j’avais tout simplement coupé les ponts avec lui. Je n’en pouvais plus de me détruire en le regardant faire tout ceci. Je n’ai jamais été celle qui voulait prendre de la drogue, je buvais de l’alcool à des fêtes mais sans plus. Lui, il devait faire tout cela pour une raison, mais jamais il n’a pris le temps de m’en parler. J’avais fini par croire qu’il ne me faisait pas assez confiance et que dans le fond, il se foutait bien de moi ! Je suis une fille, je suis insécure et j’ai souvent besoin qu’on me rassure, et c’est un aspect de ma personnalité qu’il est très bien au courant ! Puis il se mit à chanter cette fameuse chanson, des vieux souvenirs, pas de mauvais, mais de bon vieux souvenirs. Souvenirs qui me font honte tout simplement ! Une petite fille qui danse sur son lit avec son habit rose et une brosse à cheveux en guise de micro sur la chanson populaire du groupe Aqua. Et lui qui riait de moi en me regardant de sa fenêtre. Je ne pu m’empêcher de laisser sortir un petit rire en entendant sa voix fredonner la chanson. Il chantait mal c’était presque insupportable pour les oreilles ! « Arrête moi ça, on va penser que t’essaie de me tuer en chantant ! Je te l’ai toujours dit et je le répète, ne deviens pas chanteur, t’as aucune carrière là-dedans ! » Lui avais-je dit en tapotant son épaule comme je faisais dans le temps. Une petite tape sur l’épaule d’une amie de longue date qui essaie de vous faire comprendre qu’elle a raison et que vous avez tort tout simplement ! Je pouvais voir qu’il était du pour une cigarette, et pourtant il résistait à la tentation, pour moi j’imagine, et cela voulait dire beaucoup ! Il ne se fichait peut-être pas autant de moi que je pouvais bien le penser ! « Il y a pleins de choses que tu ne ferais pas pour mes beaux yeux ! Mais au moins fumer n’en est pas une ! » Un petit clin d’œil suivit de mon beau sourire. C’était ces conversations et ces moments dont je m’ennuyais. Je ne demandais pas tant. Je voulais tout simplement retrouver CE Carter. Celui qui me faisait rire, celui qui me faisait sentir importante pour lui, celui qui me mettait avant tout dans sa vie, et ce même si c’était de la drogue dont il disait avoir tant de besoin.

Peut-être que vous ne pouvez simplement par comprendre ce qui c’est passé entre Novalee et moi. Parfois j’avais moi-même du mal. Passer de deux extrêmes comme ça d’un coup, c’était assez étrange. Petits, nous étions inséparables. Je passais plus de temps à trainer dehors avec qu’elle que nul par ailleurs. Il n’y avait jamais de malaise entre nous, jamais de mensonge. Si nous nous disputions, c’était très bref et pour mieux se retrouver après. A la vie à la mort comme on disait. D’ailleurs les meilleurs souvenirs de mon enfance étaient tous liés à elles. Il faut admettre qu’on en avait fait des bêtises ensemble, à la suite de quoi c’était toujours son père qui nous grondait. Et puis nous avions grandi, sans nous en rendre compte. Nous nous étions éloignés petit à petit, avant d’être finalement aussi lointains que des étrangers. Parfois j’avais l’impression que c’était uniquement de sa faute. Après tout c’était bien elle qui avait coupé les ponts, qui avait cessé de me parler tout simplement. D’autres fois, je sentais que j’y étais aussi pour quelque chose. J’aurais pu faire en sorte qu’elle ne parte pas. Mais en avais-je vraiment eu envie ? Si je n’avais pas fait d’effort quand Novalee avait tout simplement coupé les ponts avec moi, c’était parce que quelque part j’avais l’impression, moi aussi, de n’être plus ami avec elle. Elle me reprochait d’avoir changé, je lui faisais le même reproche. Nous étions devenus si différents, nous qui avions été si semblables.

« Peut-être pas nouveau, mais ça n’arrive pas souvent Carter ! » Ca n’arrivait plus souvent voulait-elle dire. Elle semblait déçue en disant ça, ce que je pouvais comprendre. J’avais été déçu aussi. Pas que d’elle, pas que de moi. De notre amitié, qui n’avait pas réussie à résister à la vie. Déçu tout simplement que l’amitié dont parle les livres, les films, n’existe pas vraiment. Celle qui peut tout supporter, tout endurer, même le temps. Je comprenais la déception de Novalee, puisque c’était aussi la mienne. « Alors maintenant c’est ma faute à moi ? Je n’ai pas décidée à prendre de la drogue, je n’ai pas décidée d’être un parfait con comme tu l’as été, et que tu es encore. » Pour elle c’était uniquement de ma faute. Je n’étais pas d’accord. Si elle avait voulu que notre amitié continue, elle aurait surement pu. Il aurait fallut me parler au lieu de s’éloigner, s’expliquer au lieu de couper les ponts. Plus facile à dire qu’à faire. Surtout que j’avais été le premier à arrêter de parler. C’était facile d’être amis quand on est petit, quand le seul secret qu’on a c’est d’être amoureux d’une fille. Beaucoup plus dur de se confier quand les choses deviennent plus grave, quand ils ne s’agit plus seulement de béguin ou de bonbons volés à la boulangerie. « C’est pas que de ta faute non. Enfin, j’pense qu’on y est tous les deux pour quelque chose. C’est facile pour toi No. T’as des grands discours tout prêts sur la drogue et l’alcool, sur l’importance de l’éducation. Tout ce que ton père t’as dit et répéter. C’est pas aussi simple pour tout le monde. » Moi qui prenais tout à la légère, j’étais étrangement grave tout d’un coup, en pensant à ma mère. Je me rendis compte que je n’avais jamais dit ça à Novalee. Peut-être que je n’avais jamais eu l’impression qu’elle avait envie de l’entendre.

J’haussai les épaules, ce qui était presque un tic chez moi, et retrouvai mon sourire à l’évocation de la chanson qui avait bercé l’enfance de Novalee. « Arrête moi ça, on va penser que t’essaie de me tuer en chantant ! Je te l’ai toujours dit et je le répète, ne deviens pas chanteur, t’as aucune carrière là-dedans ! » Je ris avec elle, il était vrai que je n’étais pas fait pour devenir chanteur. Elle me tapa l’épaule comme si c’était là la fin de ma vie. « Zut alors, moi qui voulais en faire mon métier ! Toi en revanche, si tu retrouves tes vêtements roses et ta brosse à cheveux, tu pourrais faire carrière. » J’eus à nouveau un sourire, la taquinant comme avant. J’avais l’impression d’être revenu un ou deux ans plus tôt. « Il y a pleins de choses que tu ne ferais pas pour mes beaux yeux ! Mais au moins fumer n’en est pas une ! » Décidément, il me semblait vraiment être revenu comme avant, ce qui n’était bien sur pas le cas. Je ne demandai que ça, retrouver notre amitié, mais nous en étions hélas encore loin. « Tu me sous-estime Barbie ! Je ferrais tout pour tes beaux yeux voyons ! » J’eus un demi-sourire, avant de réaliser que dire ça, c’était comme l’inviter à me mettre au défi de faire quelque chose pour elle. Et d’expérience, je savais qu’elle était capable du pire. « Enfin … presque tout quoi. »